Axel Thienpont 26 Décembre 2015, Saint Etienne protomartyr.
Excellences, messieurs les abbés,
Je relis la lettre LAB N° 78 de Mgr Fellay en mai 2011, commentant le nouveau droit canon de 1983: « Nous nous approchons d’une église sans prêtres, etc… ». Suivent tous les arguments s’opposant à une telle « église ». Ici, ce sont les premiers mots qui choquent: si « nous nous approchons » d’une telle église, c’est que Mgr Lefebvre a eu tort d’écrire dès le 21 Novembre 1974: « nous refusons par contre la Rome qui s’est manifestée clairement etc… ». Rome ne pouvant être que la tête d’une église, en voir la nouvelle tête et la refuser, ce n’est pas « s’en approcher », mais s’en écarter car elle est déjà là, bien arrivée. Je relis ensuite la conférence de ce même Mgr Fellay à St Pré (où deux de mes filles ont pris le voile), publiée dans Nouvelles de Chrétienté N° 135 de janvier 2012. « Mais c’est notre Église ». Ici, Mgr Fellay nous « prévient » dès le début de ne mettre ni lunettes roses, ni lunettes noires, sans même s’apercevoir qu’il les met tour à tour pour voir l’église conciliaire soit en rose, soit en noir. L’un de mes prieurs m’a commenté dans son bureau un Cor unum de Mgr Fellay écrivant: « Rome sera sur la voie de la conversion quand elle nous garantira le droit dans l’Église de critiquer publiquement le Concile ». Mais de quelle église parle-t-on ici, sinon de l’église libre de Maritain? Car ce qui n’est pas dit ici, c’est que cette Rome qui autorise cela permet donc à tout inférieur de critiquer publiquement l’autorité dans l’Église. Il ne peut donc pas s’agir ici de l’Église Une Sainte catholique et apostolique, mais bien toujours de l’église conciliaire. Quelle différence de statut juridique aura la FSSPX avec les ralliés? Et une fois « dans cette église », qu’y pourra-t-elle changer d’une part, et ne risque-t-elle pas de se voir cette fois-ci « réellement » déclarée schismatique ou sédévacantiste, d’une « église » dont elle aura reconnue l’autorité canonique?
Dans la dernière intervention publique (Sel de la Terre N° 85) de Mgr Tissier de Mallerais, devenu apôtre muet depuis par « obéissance », on lit bien qu’aux moins deux causes spécifiantes (spécifiant l’âme de la société) distinguent les deux « églises », à savoir la cause finale (salut des âmes d’un côté, la paix du diable de l’autre), et la cause formelle substantielle, obéissance à deux juridictions objectives (dictios) que sont d’une part la Tradition, d’autre part la Révolution. Mais Mgr Tissier lui-même va-t-il aussi loin que Mgr Lefebvre? Non, il se tient en retrait humainement prudent, mais pas dans la prudence de la foi, ni celle théologale. Car lorsqu’il parle des causes déterminantes (délimitant le corps de toute société) que sont la tête comme cause efficiente, et le corps comme cause matérielle, alors commence la même confusion (désorientation diabolique) que celle de Mgr Fellay. Mgr Tissier dès le début y parle de NSJC et de son vicaire comme têtes de l’Église, la seconde étant celle visible de la première (ordinairement invisible sauf apparitions reconnues). Mais il ne parle que d’une tête visible de l’église conciliaire, le « pape conciliaire », en faisant carrément l’impasse et abstraction totale du seul « phénomène » arrivé « dans » l’Église: le Concile Vatican 2. A-t-il seulement compris tout Mgr Lefebvre, qui a vu très nettement dès 1974 une Rome révolutionnaire subvertissant la papauté, recrucifiant la fonction du pape la tête en bas? Comment ne pas voir que la Rome conciliaire (et donc l’église dont elle est la tête) se substitue non pas au pape, mais bien plus à NSJC Lui-même, pour « bâtir son église sur Pierre » en lieu et place de NSJC? Comment donc ne pas citer le Concile Vatican 2 comme vraie tête de l’église conciliaire ou synodale, tête « invisible » ou plutôt multi-tête occultée, autorité suprême, supérieure au-dessus même de celle des pontifes romains?
Mgr Tissier se trompe ensuite sur la cause matérielle elle-même: le corps de l’église conciliaire est bien soumis tout entier à la juridiction certes pontificale mais ordinaire des papes, eux-mêmes vicaires non de NSJC mais vicaires d’un sacro-saint Concile, couronné à la place de NSJC (Révolution!). Bien malin celui (abbé Simoulin) qui se permet de juger au for interne le fidèle conciliaire révolutionnaire dans l’âme ou traditionnel dans l’âme. L’abbé Coache a dit du droit canon qu’il était NSJC au for externe. C’est donc que le droit canon de 1983 est le Concile au for externe, comme le codex de 1917 est NSJC au for externe, et cela seul suffit: le corps mystique du Christ ne peut en aucun cas être au for externe l’église conciliaire! Accepter le canon de 1983 c’est non pas accepter une nouvelle forme juridique du corps mystique, mais le droit de l’antéchrist, le corps mystique de Satan. En outre, Mgr Tissier conclut à une dysociété. Mais alors comment l’Église Une, sainte, catholique et apostolique pourrait-elle « être » une dysociété? Ce qui a frappé les païens des premiers siècles était précisément l’unité d’intelligence et de coeur des premiers chrétiens. Comment une Tradition aujourd’hui divisée en elle-même pourra-telle jamais convertir? Car la division dans la FSSPX n’est pas d’abord celle des volontés (sinon des volontés libérales de ceux qui ont subverti la FSSPX en 2012), mais celle des intelligences: Mgr Fellay avalise la doctrine de Lumen gentium sur l’Église, ce que l’abbé Gleize est chargé de démontrer scolastiquement, chose utopique. Non, l’église conciliaire n’est pas l’Église et ne peut l’être: aucune de ses quatre causes ne sont celles de l’Église:
- causes efficientes suprêmes et invisibles: NSJC d’un côté, le Concile V2 de l’autre,
- causes efficientes visibles: papes vicaires de NSJC, ou papes vicaires du Concile,
- causes formelles: obéissance à une hiérarchie visible (juridiction subjective) catholique d’un côté, conciliaire de l’autre, pour former deux corps « mystiques » dont la forme est selon la Tradition ou selon la Révolution (juridictions objectives),
- causes finales, le salut des âmes ou la paix du diable,
- causes matérielles: deux corps de fidèles distincts, soumis soit à une juridiction de suppléance selon la Tradition, codex 1917, soit à une juridiction ordinaire soumise aux lois de la Révolution, codex 1983.
Quant à ceux qui même à Avrillé voient l’église conciliaire comme un SAS de passage entre Église et Contre-église, même à double sens, ni pape ni papauté ne figurent sur le schéma. La cause de cet « oubli »? Des papes qui, vicaires d’un Concile au lieu d’être vicaires de NSJC, se situent à la tête d’une église sans papauté réelle, bien difficile à « schématiser ». Cette erreur par omission est à rapprocher de la conclusion de Mgr Tissier d’une secte conciliaire dans l’Église: mais qui en est le chef visible, sinon le pape lui même? Dès lors, l’Église serait-elle une secte? La secte existait déjà sous St Pie X. La « nouveauté »? Des papes et évêques qui s’y soumettent, faisant d’elle Dieu lui-même!
Concernant Mgr de Galaretta, chargé des sociétés religieuses « amies » de la Tradition, il aurait dit en substance: « Tout doit être considéré comme si la question doctrinale se ramenait à une question pratique ». Autrement dit retour au « pragmatisme ». On voit là la « doctrine » de l’abbé Pfluger: « Nous sommes inaudibles! ». Qui ne voit la perversité diabolique d’un tel comportement. Avant même la Pentecôte, le diacre Etienne a été lapidé à mort pour avoir dit ce qu’il voyait du Ciel. On l’a rendu « inaudible ». Dès la Pentecôte les juifs avaient dit à Pierre: « D’accord que pour vous Jésus soit le Christ. Mais surtout taisez-vous! ». Or il se trouve que moins les apôtres se taisaient, plus ils étaient trop « audibles ». Même cas pour Mgr Lefebvre: plus il disait la vérité, plus les médias horrifiés le rendaient « audibles »! La messe de Lille en 1976 fut un premier triomphe pour l’Église, audible dans le monde entier uniquement pour avoir soulevé le couvercle de « l’inaudibilité officiellement imposée » du religieusement correct. Qui ne voit aujourd’hui que la FSSPX est devenue inaudible par son apostasie religieusement correcte? Qui ne voit que le « pragmatisme » de la FSSPX officielle n’est qu’un boisseau qui occulte la lumière? La « charité pastorale » de la néo-FSSPX ne dépasse plus hélas celle du pape Jean XXIII. Se parant des plumes du pragmatisme autant phénoménlogique que germanique, elle n’est qu’une lâcheté pastorale au service ou à la source d’une lâcheté doctrinale: celle de ne pas dénoncer l’église conciliaire comme étant celle de papes vicaires d’un Concile, au lieu de vicaires du Christ. On aura beau objecter que le langage commun confond Rome et l’Église catholique, Mgr Lefebvre et Mgr de Castro-Mayer ont tout fait pour que les catholiques s’aperçoivent de la nouvelle supercherie, et que la Rome conciliaire n’a de l’Église que le masque, la forme apparente, et non l’âme (la forme substantielle). Cependant, tout comme Mgr Gaume, ils en ont distingué aussi les hommes, personnes physiques passagères et convertibles, les membres, de l’appareil révolutionnaire, la société dont ils se font les membres. Réunissez tous les conciliaires et vous n’aurez pas plus l’église conciliaire que vous n’aurez l’Église en réunissant tous les catholiques: une société organique et vivante ne se réduit pas à sa cause matérielle. Chaque société a une âme propre qui n’est pas la somme des âmes de ses membres, mais s’exprime tout de même par la juridiction objective au for externe de sa tête, cause efficiente en édictant la cause finale.
Faute de telles distinctions, alors suit logiquement une erreur de cible catastrophique: on s’attaque à la personne physique du pape, pauvre pape, mais non à la personne morale de l’église conciliaire, dont le pape est le premier prisonnier, consentant ou non. C’est toute la différence entre le combat de Mgr Lefebvre et celui des tradis du jour. Autant le Nullam partem de Mgr Lefebvre s’adressait exclusivement à la Rome conciliaire et non à la personne du pape, autant la néo-FSSPX attaque la personne du pape mais avalise de facto la Rome conciliaire sans plus la combattre: le fait est devenu le droit. Civitas s’en prend à la « révolution du pape François », comme si cette révolution n’avait pas été consommée maritalement dans les années 1960-70-80, avec un nouveau « contrat de mariage pour tous » entre l’Église et le monde, canonisé en 1983, et une nouvelle définition catéchétique du mariage dont les fins sont inversées. L’abbé de La Roque s’en prend à l’église synodale du pape François, comme si cette église n’était pas celle du nouveau droit canon. L’abbé Gaudray s’en prend aux nouvelles permissions miséricordieuses du pape François, comme si elles n’étaient pas déjà inscrites dans le marbre de la justification d’Augsbourg du pape Benoit. On fait porter au pape François le chapeau de tous les maux de « l’Église », comme s’il n’était pas le fils « le plus fidèle » des papes Jean, Paul, Jean-Paul, Benoît, et probablement lui aussi un bientôt « sancto subito », père d’autres papes d’une miséricorde sans justice, de lendemains qui ne peuvent que déchanter. Pire, l’abbé Schmidberger se fait le chantre par affichage public à Zaitskofen, de cette fausse miséricorde du pape François, qui n’est que la miséricorde de l’église du diable pour les criminels non repentants et impénitents…
Jamais Mgr Lefebvre ne se serait trompé de cible à ce point. Le pape est un homme faillible pour lequel il faut prier beaucoup plus que tout le reste, mais l’église conciliaire fait partie hélas du monde pour lequel NSJC n’a jamais prié. Si l’Église est l’épouse du Christ, l’église conciliaire est l’épouse du monde. Que papes et évêques soient dans cette « église-là » fait partie de la désorientation diabolique de Sœur Lucie, et de la grande tribulation dont parle l’Écriture, et c’est bien pourquoi Mgr Lefebvre affirmait d’eux: « Ils ont quitté l’Église, c’est sûr, sûr, sûr ». Mais prendre l’église conciliaire pour l’Église confine au blasphème, et en répandre l’erreur est confirmer les erreurs et les conciliaires dans leurs erreurs. C’est donner au corps mystique de l’antéchrist, le nom et donc l’autorité du corps mystique de NSJC. De qui se moque t-on? Mgr Lefebvre n’avait-il pas dit que c’était là faire un très grave transfert d’autorité, accorder à la contre-façon de l’Église l’autorité de l’Église?
Puisse St Étienne vous ouvrir les yeux sur l’Épouse de NSJC, Cité qui descend du Ciel, et ne pas la confondre avec celle qui n’en a que le masque juridictionnel apparent, mitres et crosses (d’ailleurs sans plus la tiare), mais seconde bête sortie de la terre des vivants (Rome) il y a 50 ans.
Veuillez croire Excellences, messieurs les abbés, avec tous mes vœux de saint Noël et sainte année 2016, en ma considération filiale non pas dans l’église conciliaire, mais dans l’Église in Christo Rege per Mariam,
Ipsa conteret,
Axel Thienpont