Don d’organes : en médecine, consentir ne se résume pas à un « c’est comme vous voulez docteur », ou à un silence
À partir du 1er janvier 2017, chaque Français devient donneur d’organe et de tissus par défaut et dans le même temps, les personnes qui y sont opposées pourront le faire connaître plus facilement. Jusqu’à présent, la loi reposait sur le principe du consentement présumé. Pour exprimer son refus, il fallait s’inscrire sur le registre national des refus, en renvoyant un formulaire et la copie d’une pièce d’identité par voie postale. Seulement 150 000 personnes en avaient fait la démarche. Avec la nouvelle législation, chaque Français devient donneur par défaut. Dorénavant, il faut clairement exprimer son refus de son vivant si vous ne souhaitez pas être donneur. Vous pouvez vous inscrire en ligne sur le registre des refus, mais aussi exprimer cette volonté par un écrit confié à un proche, ou même de vive-voix. Attention, dans ce dernier cas, la famille doit retranscrire par écrit la conversation.
Le don d’organe doit être vraiment libre pour être réellement un don et, pour un prélèvement post-mortem, il est nécessaire d’être bien certain de la mort du patient, ce qui nous ramène au fameux débat sur la définition de la mort (voir cet entretien sur la mort cérébrale et le don d’organes). Sans parler des autres abus, comme le prélèvement d’organes après une euthanasie, comme aux Pays-Bas.
Pour le professeur Xavier Ducrocq, neurologue et expert de Gènéthique:
« […] Toute la médecine repose sur le principe intangible du consentement éclairé, oral le plus souvent, écrit dans les circonstances les plus transgressives : IVG, recherche,… Dans l’esprit du législateur, le consentement présumé au don d’organes est justifié par la solidarité nationale.Mais est-ce qu’on est solidaire quand on ne dit pas non ? L’argument est assez ténu… Si on transpose : « Voulez-vous prendre pour épouse mademoiselle X ? » « Je ne dis pas non »… Le consentement ne tient pas. En médecine, consentir ne se résume pas à un « c’est comme vous voulez docteur », ou à un silence. Aussi, le consentement présumé me semble très opportuniste car, en réalité, très peu de personnes donnent un consentement positif. Comme tel, il est contraire aux bonnes pratiques médicales ordinaires. Est-il même pertinent de parler de don ?
Par ailleurs, le slogan qui incite à « donner pour sauver une vie » est-il acceptable ? Les pressions sont fortes ! J’ai personnellement hâte que les recherches sur les cellules souches adultes puissent permettre la reconstitution d’organes. »
Les prélèvements Maastricht III
Le 4 septembre dernier, j’évoquais les prélèvements d’organes en Suisse selon le « protocole Maastricht III ». Je précisais que ces prélèvements, sur des gens qui ne sont pas morts, sont interdits en France. Je me trompais. C’est en « phase pilote » depuis fin 2014. L’hôpital de La Roche-sur-Yon vient de signer la convention qui le fait entrer dans cette « phase pilote », et c’est le quatrième établissement en France après Annecy, Nantes, La Pitié-Salpêtrière. Le prochain sera le Kremlin-Bicêtre, puis un « développement à plus grande échelle » se fera après « l’évaluation de fin d’année ».
Il devient donc urgent de faire savoir qu’on refuse tout « don » d’organe. Car il s’agit de prélèvements faits sur des gens qui ne sont pas en état de mort cérébrale, donc qui ne sont morts ni réellement, ni légalement, ni même en apparence. Une fois que les médecins ont décidé qu’il n’y avait plus rien à faire, ils proposent à la famille de « laisser mourir » le patient. Et dès que le cœur s’arrête (c’est un « prélèvement à cœur arrêté ») on se précipite et on ouvre le corps pour récupérer les organes voulus.
En 2008, à La Pitié-Salpêtrière, on avait décidé de faire un prélèvement selon le protocole « Maastricht I » : prélèvement d’organes sur une personne qui a fait un arrêt cardiaque en dehors d’un hôpital et sur lequel on a tenté une réanimation moins de 30 minutes après. La réanimation ayant échoué, on peut supposer que la personne est morte. Mais le mort de 2008 est revenu à la vie au moment même où on allait l’ouvrir, et il s’est complètement rétabli. Alors, avec le protocole Maastricht III…