QUAS PRIMAS
LETTRE ENCYCLIQUE DE S. S. PIE XI DU 11 DÉCEMBRE 1925
Aux Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres ordinaires de lieu, en paix et communion avec le Siège apostolique.
De l’institution d’une fête du Christ-Roi.
1. Dans la première Encyclique qu’au début de Notre Pontificat Nous adressions aux évêques du monde entier (Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922), Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.
Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses : l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique ; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C’est pourquoi, après avoir affirmé qu’il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ, Nous avons déclaré Notre intention d’y travailler dans toute la mesure de Nos forces ; par le règne du Christ, disions-Nous, car, pour ramener et consolider la paix, Nous ne voyions pas de moyen plus efficace que de restaurer la souveraineté de Notre Seigneur.
2. Depuis, Nous avons clairement pressenti l’approche de temps meilleurs en voyant l’empressement des peuples à se tourner – les uns pour la première fois, les autres avec une ardeur singulièrement accrue – vers le Christ et vers son Église, unique dispensatrice du salut : preuve évidente que beaucoup d’hommes, jusque-là exilés, peut-on dire, du royaume du Rédempteur pour avoir méprisé son autorité, préparent heureusement et mènent à son terme leur retour au devoir de l’obéissance.
Tout ce qui est survenu, tout ce qui s’est fait au cours de l’Année sainte, digne vraiment d’une éternelle mémoire, n’a-t-il pas contribué puissamment à l’honneur et à la gloire du Fondateur de l’Église, de sa souveraineté et de sa royauté suprême ?
Voici d’abord l’Exposition des Missions, qui a produit sur l’esprit et sur le cœur des hommes une si profonde impression. On y a vu les travaux entrepris sans relâche par l’Église pour étendre le royaume de son Époux chaque jour davantage sur tous les continents, dans toutes les îles, même celles qui sont perdues au milieu de l’océan ; on y a vu les nombreux pays que de vaillants et invincibles missionnaires ont conquis au catholicisme au prix de leurs sueurs et de leur sang ; on y a vu enfin les immenses territoires qui sont encore à soumettre à la douce et salutaire domination de notre Roi.
Voici les pèlerins accourus, de partout, à Rome, durant l’Année sainte, conduits par leurs évêques ou par leurs prêtres. Quel motif les inspirait donc, sinon de purifier leurs âmes et de proclamer, au tombeau des Apôtres et devant Nous, qu’ils sont et qu’ils resteront sous l’autorité du Christ ?
Voici les canonisations, où Nous avons décerné, après la preuve éclatante de leurs admirables vertus, les honneurs réservés aux saints, à six confesseurs ou vierges. Le règne de notre Sauveur n’a-t-il pas, en ce jour, brillé d’un nouvel éclat ? Ah ! quelle joie, quelle consolation ce fut pour Notre âme, après avoir prononcé les décrets de canonisation, d’entendre, dans la majestueuse basilique de Saint-Pierre, la foule immense des fidèles, au milieu du chant de l’action de grâces, acclamer d’une seule voix la royauté glorieuse du Christ : Tu Rex gloriae Christe !
À l’heure où les hommes et les États sans Dieu, devenus la proie des guerres qu’allument la haine et des discordes intestines, se précipitent à la ruine et à la mort, l’Église de Dieu, continuant à donner au genre humain l’aliment de la vie spirituelle, engendre et élève pour le Christ des générations successives de saints et de saintes ; le Christ, à son tour, ne cesse d’appeler à l’éternelle béatitude de son royaume céleste ceux en qui il a reconnu de très fidèles et obéissants sujets de son royaume terrestre.
Voici encore le XVIe centenaire du Concile de Nicée qui coïncida avec le grand Jubilé. Nous avons ordonné de célébrer cet anniversaire séculaire ; Nous l’avons Nous-même commémoré dans la basilique vaticane, d’autant plus volontiers que c’est ce Concile qui définit et proclama comme dogme de foi catholique la consubstantialité du Fils unique de Dieu avec son Père ; c’est lui qui, en insérant dans sa formule de foi ou Credo les mots cuius regni non erit finis, affirma du même coup la dignité royale du Christ.
Ainsi donc, puisque cette Année sainte a contribué en plus d’une occasion à mettre en lumière la royauté du Christ, Nous croyons accomplir un acte des plus conformes à Notre charge apostolique en accédant aux suppliques individuelles ou collectives de nombreux cardinaux, évêques ou fidèles ; Nous clôturerons donc cette année par l’introduction dans la liturgie de l’Église d’une fête spéciale en l’honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ Roi.
Ce sujet, Vénérables Frères, Nous tient à ce point à cœur que Nous désirons vous en entretenir quelques instants ; il vous appartiendra ensuite de rendre accessible à l’intelligence et aux sentiments de votre peuple tout ce que Nous dirons sur le culte du Christ-Roi, afin d’assurer, dès le début et pour plus tard, des fruits nombreux à la célébration annuelle de cette solennité.
4. Depuis longtemps, dans le langage courant, on donne au Christ le titre de Roi au sens métaphorique ; il l’est, en effet, par l’éminente et suprême perfection dont il surpasse toutes les créatures. Ainsi, on dit qu’il règne sur les intelligences humaines, à cause de la pénétration de son esprit et de l’étendue de sa science, mais surtout parce qu’il est la Vérité et que c’est de lui que les hommes doivent recevoir la vérité et l’accepter docilement. On dit qu’il règne sur les volontés humaines, parce qu’en lui, à la sainteté de la volonté divine correspond une parfaite rectitude et soumission de la volonté humaine, mais aussi parce que sous ses inspirations et ses impulsions notre volonté libre s’enthousiasme pour les plus nobles causes. On dit enfin qu’il est le Roi des cœurs, à cause de son inconcevable charité qui surpasse toute compréhension humaine (Ep 3, 19) et à cause de sa douceur et de sa bonté qui attirent à lui tous les cœurs : car dans tout le genre humain il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais personne pour être aimé comme le Christ Jésus.
5. Mais, pour entrer plus à fond dans Notre sujet, il est de toute évidence que le nom et la puissance de roi doivent être attribués, au sens propre du mot, au Christ dans son humanité ; car c’est seulement du Christ en tant qu’homme qu’on peut dire : Il a reçu du Père la puissance, l’honneur et la royauté (Dn 7, 13-14) ; comme Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, il ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père et, par suite, la souveraineté suprême et absolue sur toutes les créatures.
6. Que le Christ soit Roi, ne le lisons-nous pas dans maints passages des Écritures ! C’est Lui le Dominateur issu de Jacob (Nb 34, 19), le Roi établi par le Père sur Sion, sa montagne sainte, pour recevoir en héritage les nations et étendre son domaine jusqu’aux confins de la terre (ps 2), le véritable Roi futur d’Israël, figuré, dans le cantique nuptial, sous les traits d’un roi très riche et très puissant, auquel s’adressent ces paroles : Votre trône, ô Dieu, est dressé pour l’éternité ; le sceptre de votre royauté est un sceptre de droiture (ps 44, 7).
Passons sur beaucoup de passages analogues ; mais, dans un autre endroit, comme pour dessiner avec plus de précision les traits du Christ, on nous prédit que son royaume ignorera les frontières et sera enrichi des trésors de la justice et de la paix : En ses jours se lèvera la justice avec l’abondance de la paix… Il dominera, d’une mer à l’autre, du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre (ps 71, 7-8).
À ces témoignages s’ajoutent encore plus nombreux les oracles des prophètes et notamment celui, bien connu, d’Isaïe : Un petit enfant… nous est né, un fils nous a été donné. La charge du commandement a été posée sur ses épaules. On l’appellera l’Admirable, le Conseiller, Dieu, le Fort, le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Son empire s’étendra et jouira d’une paix sans fin ; il s’assoira sur le trône de David et dominera sur son royaume, pour l’établir et l’affermir dans la justice et l’équité, maintenant et à jamais (Is 9, 6-7).
Les autres prophètes ne s’expriment pas différemment.
Tel Jérémie, annonçant dans la race de David un germe de justice, ce fils de David qui régnera en roi, sera sage et établira la justice sur la terre(Jr 23, 5). Tel Daniel, prédisant la constitution par le Dieu du ciel d’un royaume qui ne sera jamais renversé… et qui durera éternellement (Dn 20, 44) ; et, peu après, il ajoute : Je regardais durant une vision nocturne, et voilà que, sur les nuées du ciel, quelqu’un s’avançait semblable au Fils de l’homme ; il parvint jusqu’auprès de l’Ancien des jours et on le présenta devant lui. Et celui-ci lui donna la puissance, l’honneur et la royauté ; tous les peuples, de toutes races et de toutes langues, le serviront ; sa puissance est une puissance éternelle, qui ne lui sera pas retirée, et son royaume sera incorruptible (Dn 7, 13-14). Tel Zacharie, prophétisant l’entrée à Jérusalem, aux acclamations de la foule, du juste et du sauveur, le Roi plein de mansuétude monté sur une ânesse et sur son poulain (Za 9, 9) : les saints évangélistes n’ont-ils pas constaté et prouvé la réalisation de cette prophétie ?
Cette doctrine du Christ-Roi, Nous venons de l’esquisser d’après les livres de l’Ancien Testament ; mais tant s’en faut qu’elle disparaisse dans les pages du Nouveau ; elle y est, au contraire, confirmée d’une manière magnifique et en termes splendides.
Rappelons seulement le message de l’archange apprenant à la Vierge qu’elle engendrera un fils ; qu’à ce fils le Seigneur Dieu donnera le trône de David, son père ; qu’il régnera éternellement sur la maison de Jacob et que son règne n’aura point de fin (Lc 1, 32-33). Écoutons maintenant les témoignages du Christ lui-même sur sa souveraineté. Dès que l’occasion se présente – dans son dernier discours au peuple sur les récompenses ou les châtiments réservés dans la vie éternelle aux justes ou aux coupables ; dans sa réponse au gouverneur romain, lui demandant publiquement s’il était roi ; après sa résurrection, quand il confie aux Apôtres la charge d’enseigner et de baptiser toutes les nations – il revendique le titre de roi (Mt 25, 31-40), il proclame publiquement qu’il est roi (Jn 18, 37), il déclare solennellement que toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre (Mt 28, 18). Qu’entend-il par là, sinon affirmer l’étendue de sa puissance et l’immensité de son royaume ?
Dès lors, faut-il s’étonner qu’il soit appelé par saint Jean le Prince des rois de la terre (Ap 1, 5) ou que, apparaissant à l’Apôtre dans des visions prophétiques, il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Ap 19, 16). Le Père a, en effet, constitué le Christ héritier de toutes choses (He 1, 1) ; il faut qu’il règne jusqu’à la fin des temps, quand il mettra tous ses ennemis sous les pieds de Dieu et du Père (1 Co 15, 25).
7. De cette doctrine, commune à tous les Livres Saints, dérive naturellement cette conséquence : étant le royaume du Christ sur la terre, qui doit s’étendre à tous les hommes et tous les pays de l’univers, l’Église catholique se devait, au cours du cycle annuel de la liturgie, de saluer par des manifestations multiples de vénération, en son Auteur et Fondateur, le Roi, le Seigneur, le Roi des rois. Sous une admirable variété de formules, ces hommages expriment une seule et même pensée ; l’Église les employait jadis dans sa psalmodie et dans les anciens sacramentaires ; elle en fait le même usage à présent dans les prières publiques de l’Office qu’elle adresse chaque jour à la majesté divine et, à la sainte messe, dans l’immolation de l’hostie sans tache. En cette louange perpétuelle du Christ-Roi, il est facile de saisir le merveilleux accord de nos rites avec ceux des Orientaux, en sorte que se vérifie, ici encore, l’exactitude de la maxime : « Les lois de la prière établissent les lois de la croyance. »
8. Quant au fondement de cette dignité et de cette puissance de Notre-Seigneur, saint Cyrille d’Alexandrie l’indique très bien : « Pour le dire en un mot, dit-il, la souveraineté que Jésus possède sur toutes les créatures, il ne l’a point ravie par la force, il ne l’a point reçue d’une main étrangère, mais c’est le privilège de son essence et de sa nature » (In Lucam X, PG LXXII ). En d’autres termes, son pouvoir royal repose sur cette admirable union qu’on nomme l’union hypostatique.
Il en résulte que les anges et les hommes ne doivent pas seulement adorer le Christ comme Dieu, mais aussi obéir et être soumis à l’autorité qu’il possède comme homme ; car, au seul titre de l’union hypostatique, le Christ a pouvoir sur toutes les créatures.
9. Mais quoi de plus délectable, de plus suave que de penser que le Christ, en outre, règne sur nous non seulement par droit de nature, mais encore par droit acquis, puisqu’il nous a rachetés ? Ah ! Puissent tous les hommes qui l’oublient se souvenir du prix que nous avons coûté à notre Sauveur : Vous n’avez pas été rachetés avec de l’or ou de l’argent corruptibles, mais par le sang précieux du Christ, le sang d’un agneau sans tache et sans défaut (1 P 1, 18-19). Le Christ nous a achetés à grand prix(1 Co 6, 20) ; nous ne nous appartenons plus. Nos corps eux-mêmes sont des membres du Christ (1 Co 6, 15).
Nous voulons maintenant expliquer brièvement la nature et l’importance de cette royauté.
10 II est presque inutile de rappeler qu’elle comporte les trois pouvoirs, sans lesquels on saurait à peine concevoir l’autorité royale. Les textes des Saintes Lettres que Nous avons apportés en témoignage de la souveraineté universelle de notre Rédempteur le prouvent surabondamment. C’est, d’ailleurs, un dogme de foi catholique que le Christ Jésus a été donné aux hommes à la fois comme Rédempteur, de qui ils doivent attendre leur salut, et comme Législateur, à qui ils sont tenus d’obéir( Concile de Trente sess. VI c. 21). Les évangélistes ne se bornent pas à affirmer que le Christ a légiféré, mais ils nous le montrent dans l’exercice même de son pouvoir législatif.
À tous ceux qui observent ses préceptes, le divin Maître déclare, en diverses occasions et de diverses manières, qu’ils prouveront ainsi leur amour envers lui et qu’ils demeureront en son amour (Jn 14, 15 ; 15, 10).
Quant au pouvoir judiciaire, Jésus en personne affirme l’avoir reçu du Père, dans une réponse aux Juifs qui l’accusaient d’avoir violé le Sabbat en guérissant miraculeusement un malade durant ce jour de repos : « Le Père, leur dit-il, ne juge personne, mais il a donné au Fils tout jugement (Jn 5, 22). » Dans ce pouvoir judiciaire est également compris – car il en est inséparable – le droit de récompenser ou de châtier les hommes, même durant leur vie.
Il faut encore attribuer au Christ le pouvoir exécutif : car tous inéluctablement doivent être soumis à son empire ; personne ne pourra éviter, s’il est rebelle, la condamnation et les supplices que Jésus a annoncés.
11. Toutefois, ce royaume est avant tout spirituel et concerne avant tout l’ordre spirituel : les paroles de la Bible que Nous avons rapportées plus haut en sont une preuve évidente, que vient confirmer, à maintes reprises, l’attitude du Christ-Seigneur.
Quand les Juifs, et même les Apôtres, s’imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d’Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir ; lorsque la foule qui l’entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché ; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n’est pas de ce monde. Dans ce royaume, tel que nous le dépeignent les Évangiles, les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence. Personne ne peut y entrer sans la foi et sans le baptême ; mais le baptême, tout en étant un rite extérieur, figure et réalise une régénération intime. Ce royaume s’oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres ; à ses adeptes il demande non seulement de détacher leur cœur des richesses et des biens terrestres, de pratiquer la douceur et d’avoir faim et soif de la justice, mais encore de se renoncer eux-mêmes et de porter leur croix. C’est pour l’Église que le Christ, comme Rédempteur, a versé le prix de son sang ; c’est pour expier nos péchés que, comme Prêtre, il s’est offert lui-même et s’offre perpétuellement comme victime : qui ne voit que sa charge royale doit revêtir le caractère spirituel et participer à la nature supraterrestre de cette double fonction ?
12. D’autre part, ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu’elles soient : il tient du Père sur les créatures un droit absolu, lui permettant de disposer à son gré de toutes ces créatures.
Néanmoins, tant qu’il vécut sur terre, il s’est totalement abstenu d’exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l’administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu’il a fait alors, il le continue aujourd’hui. Pensée exprimée d’une manière fort heureuse dans la liturgie : « Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel. »
13. Ainsi donc, le souverain domaine de notre Rédempteur embrasse la totalité des hommes. Sur ce sujet, Nous faisons Volontiers Nôtres les paroles de Notre Prédécesseur Léon XIII, d’immortelle mémoire : « Son empire ne s’étend pas exclusivement aux nations catholiques ni seulement aux chrétiens baptisés, qui appartiennent juridiquement à l’Église même s’ils sont égarés loin d’elle par des opinions erronées ou séparés de sa communion par le schisme ; il embrasse également et sans exception tous les hommes, même étrangers à la foi chrétienne, de sorte que l’empire du Christ Jésus, c’est, en stricte vérité, l’universalité du genre humain (Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899). »
Et, à cet égard, il n’y a lieu de faire aucune différence entre les individus, les familles et les États ; car les hommes ne sont pas moins soumis à l’autorité du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privée. Il est l’unique source du salut, de celui des sociétés comme de celui des individus : Il n’existe de salut en aucun autre ; aucun autre nom ici-bas n’a été donné aux hommes qu’il leur faille invoquer pour être sauvés (Ac 4, 12).
Il est l’unique auteur, pour l’État comme pour chaque citoyen, de la prospérité et du vrai bonheur : « La cité ne tient pas son bonheur d’une autre source que les particuliers, vu qu’une cité n’est pas autre chose qu’un ensemble de particuliers unis en société (S. AUGUSTIN, Epist. CLIII ad Macedonium ch. III). » Les chefs d’État ne sauraient donc refuser de rendre – en leur nom personnel, et avec tout leur peuple – des hommages publics, de respect et de soumission à la souveraineté du Christ; tout en sauvegardant leur autorité, ils travailleront ainsi à promouvoir et à développer la prospérité nationale.
14. Au début de Notre Pontificat, Nous déplorions combien sérieusement avaient diminué le prestige du droit et le respect dû à l’autorité ; ce que Nous écrivions alors n’a perdu dans le temps présent ni de son actualité ni de son à-propos : « Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, et l’autorité ne tenant plus son origine de Dieu mais des hommes, il arriva que… les bases mêmes de l’autorité furent renversées dès lors qu’on supprimait la raison fondamentale du droit de commander pour les uns, du devoir d’obéir pour les autres. Inéluctablement, il s’en est suivi un ébranlement de la société humaine tout entière, désormais privée de soutien et d’appui solides (Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922). »
Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix se répandraient infailliblement sur la société tout entière.
En imprimant à l’autorité des princes et des chefs d’État un caractère sacré, la dignité royale de Notre Seigneur ennoblit du même coup les devoirs et la soumission des citoyens. Au point que l’Apôtre saint Paul, après avoir ordonné aux femmes mariées et aux esclaves de révérer le Christ dans la personne de leur mari et dans celle de leur maître, leur recommandait néanmoins de leur obéir non servilement comme à des hommes, mais uniquement en esprit de foi comme à des représentants du Christ ; car il est honteux, quand on a été racheté par le Christ, d’être soumis servilement à un homme : Vous avez été rachetés un grand prix, ne soyez plus soumis servilement à des hommes. (1 Co 7, 25)…………